Vague de froid : la moitié des élus franciliens qui ont dormi dehors avec des SDF ont fini bourrés.
Une quinzaine d’élus, sur les trente à avoir dormi dans la rue pour soutenir les SDF et alerter sur leurs conditions, ont été raccompagnés chez eux, tôt jeudi matin, car ils étaient trop ivres pour rentrer chez eux seuls.
Près de 30 élus franciliens, de tous bords politiques, arborant leur écharpe tricolore, ont dormi dehors , rue Buffon dans le 5ème arrondissement de Paris, pour alerter sur les conditions de vie des personnes sans domicile fixe dormant dans la rue. « C’était important de venir ici, nous tenons à alerter sur le sort des sans-abris. Nous ne sommes pas ici pour faire un coup de communication. Nous ne sommes pas en période électorale, c’est le moment idéal pour le faire. Durant la période électorale, nous n’avons pas le temps car nous passons le plus clair de notre temps à complimenter les petites vieilles dans les marchés des quartiers huppés de la capitale pour les inciter à voter pour nous. Alors dormir dehors avec des SDF, juste avant les élections, cela serait suicidaire politiquement parlant. Donc je le répète, ce n’est pas un coup médiatique, nous sommes sérieux et attristés par ce qui arrive aux SDF qui dorment dehors par grand froid », explique un adjoint au maire d’un grand arrondissement chic de Paris.
« Soit boire la piquette des SDF, soit crever congelé façon Picard »
Mais parmi la trentaine d’élus à avoir bravé le froid, dans la nuit de mercredi à jeudi, une quinzaine d’entre eux ont accepté de boire du vin offert par l’un des SDF présents ce soir-là. « Au début j’ai dit non, mais l’un des SDF a bien précisé que si l’on refusait de boire, on n’arriverait pas à passer la nuit à cause du froid glacial, surtout avec les températures négatives. Au début je ne l’ai pas cru mais quand il nous a montré son ancienne carte de médecin, j’ai vidé toute la bouteille en plastique. Je parle en mon nom et au nom de tous les élus qui étaient avec moi, c’est important d’alerter sur le sort des SDF mais de là à y laisser notre peau à cause du froid glacial, non. On aurait pu les inviter à dormir chez nous, mais vous savez nos appartements de fonction sont trop petits, entre 80 et 150 m². Donc nous avons bu pour rester vivant et voir les premières lueurs du jour. Je n’ai pas fait l’ENA pour finir au Père-Lachaise pendant mon mandat électoral. Il est vrai que le vin n’est pas fameux, il nettement moins attrayant que celui de l’Assemblée nationale, mais bon, c’était soit boire la piquette des SDF, soit crever congelé façon Picard. Le choix est vite fait. Après les premières gorgées douloureuses, de fil en aiguille, on a bien discuté avec les SDF, sur pas mal de sujets comme la politique, la finance, la conjoncture économique actuelle, la littérature et même le nucléaire. Il y avait deux SDF qui avaient plongé pour une histoire de marchés truqués et ils se sont retrouvés à la rue, du jour au lendemain », indique un parlementaire. Il ajoute, « d’ailleurs je retourne voir les SDF, mais cette fois en solo et c’est moi qui paie la tournée. On avait parié sur un projet de loi qui n’est finalement pas passé à l’assemblée et j’ai perdu. Ils sont forts ces SDF, croyez-moi. Quand vous les voyez se hurler dessus dans la rue, vous croyez qu’ils se disputent pour une bouteille de vin et bien non. Ils débattent de sujets sérieux, comme l’autre soir, quand l’un d’eux nous a lancé une salière à la figure. Mais cette fois, pour dormir, j’ai acheté un sac de couchage en duvet de faucon du Mexique, ainsi qu’une couverture en duvet de paruline du Canada, ce qui se fait de mieux en la matière. C’est pas à Decathlon ou Au Vieux Campeur que vous les trouverez. Heureusement qu’il y a la valise parlementaire, si si, elle existe. Les gens connaissent la valise diplomatique, mais il y a aussi la valise parlementaire. Les groupes d’études de l’Assemblée nationale la prennent avec eux quand ils vont à l’étranger. Ces groupes parlementaires, c’est fait pour faire des analyses, parfois sérieuses et parfois d’agrément, mais il y a la valise qui va avec, sans taxes d’importation et sans contrôles douaniers surtout (rire). Donc, revenons à notre sujet. L’autre soir, heureusement qu’il y avait leur vin bon marché, il est pas bon mais qu’est-ce-qu’il réchauffe. Là, avec le millésime de l’assemblée nationale, j’ai privilégié le gustatif cette fois-ci ».
Le plan grand froid pour l’hébergement des sans-abri a été décrété dans 68 départements français. Avec un total de plus de 5.300 places supplémentaires dans toute la France, dont plus de 1.700 places créées à Paris.
Crédit-photo : Max Pixel, cc0.