Gilets jaunes : les actes 9 à 14 sont reportés par les manifestants en raison des soldes d’hiver.
Durant les 8 premiers actes revendicatifs des vaillants Gilets jaunes, absolument rien ni personne ne pouvaient arrêter les honnêtes manifestants en quête de respect social et financier. Qu’il fasse froid, qu’il vente des gaz lacrymogènes, qu’il pleuve des averses de coups de matraque de CRS ou qu’il grêle des averses de projectiles en caoutchouc trempé de flash-balls, les contestataires supportaient leur tragique sort, physiquement impassibles et socialement déterminés, dignes, bien qu’affamés, dans leurs ronds-points de fortune ou marchant laborieusement dans les dangereuses avenues des grandes villes, chaque samedi. Mais la tradition économique des soldes a changé la donne. Explications.
Les mythiques soldes d’hiver sont apparemment plus forts que la météo, la politique du gouvernement, les dégâts corporels, moraux ou matériels causées par les casseurs et les pilleurs, et les réactions instinctives des CRS réunies. Les réductions de prix, durant la joyeuse saison des soldes d’hiver, ont eu raison de l’assiduité et de la persévérance, quasi-proche de l’entêtement, des courageux Gilets jaunes. Du moins jusqu’à la mi-février prochain.
« Qu’ils ne viennent pas chialer après »
Les tant attendus soldes d’hiver ont débuté dans la majeure partie de la France le 9 janvier dernier. « En Alsace, ils ont commencé les soldes le 2 janvier. Et dire que je me fais engueuler à chaque fois que je dis que les alsaciens sont allemands. Si ça, c’est pas une preuve, alors dites-moi pourquoi ils ne font pas les soldes à la même date que nous ?. Non, les alsaciens se croient supérieurs car ils bénéficient de la rigueur, du dynamisme et de la technologie du voisin germanique. Alors qu’on leur donne leur foutue indépendance, qu’ils réclament depuis des siècles, une bonne fois pour toutes et qu’on n’en parle plus. Ils vont voir la vraie rigueur allemande. Là-bas, il n’y a pas de salaire minimum. Qu’ils ne viennent pas chialer après en nous suppliant de rattacher l’Alsace à la France », prévient un élu indépendantiste du Parlement corse.
« Ça fera du bien à mes nerfs fatigués »
Ainsi, dans tout le pays, les commerçants peuvent vendre à perte, en accordant des rabais allant jusqu’à 90% dans certains endroits ravagés par les violents séismes des casseurs et les voleuses tornades des pilleurs qui ont pris pour mauvaise habitude de s’incruster dans les pacifistes rassemblements révolutionnaires des braves Gilets jaunes. « De toute façon, depuis l’acte 1 des affables Gilets jaunes, je vendais à perte, chaque samedi. Là, moi, je fais tout à -90%. De toute façon, entre mes stocks qui avaient été incendiés à coups de cocktails Molotov des enragés casseurs, et les milliers d’articles embarqués gratuitement sans mon aval, je précise, par les meutes de ces hyènes de pilleurs, au bout du compte, il ne me reste presque plus rien à vendre. Donc, je brade et tout de suite après, je vais chez mes fournisseurs, je leur règle leurs dus et je me casse de cette putain d’avenue, chic certes, mais trop dangereuse, commercialement parlant. Pour le cadre de travail, ici, c’est top, je le reconnais. Les passants et clients habillés BCBG, avec les nanas touristes qui me demandent de leur faire des French kiss à tout-va, par curiosité, car Paris est la capitale du romantisme, franchement, c’est agréable de travailler dans cette belle artère de la capitale. Mais mes artères à moi, elles en bavent, à cause de l’hypertension que me causent les dégâts qu’il y a chaque samedi dans ma boutique. Mon comptable et mon banquier aussi sont stressés, il commencent à sévèrement crisper. Depuis l’acte 5 des Gilets jaunes, il sont sous antidépresseurs. Là, c’est décidé, je vais ouvrir un magasin de vente de vêtements dans une zone industrielle commerçante (centre commerciale en périphérie de la ville, ndlr), bien paisible. Et puis, ça fera du bien à mes nerfs fatigués que d’entendre les sons de la nature et de l’élevage non-intensif, avec ses vaches, ses moutons, ses poules, ses coqs et ses cochons. Comment ?. Oui, on entend les animaux de la ferme dans les centres commerciaux en périphérie des villes. Si tu tends bien l’oreille quand tu iras à Ikea, à Casto, à Auchan, à Leclerc ou à Carrefour, tu entendras les vaches meugler et les moutons bêler. Là-bas, au moins, je bosserai à l’aise près des pâturages, se réjouit un commerçant, tout en enlevant les épaisses plaques de fer protectrices, dignes d’un coffre-fort d’une grande banque, fixées sur la devanture de son magasin. Comment ?. Oui, les plaques en métal, je les laisse accrochées tous les jours. Au début, je ne les mettais que les samedis, jours de colère sociale et de grogne budgétaire familial. Mais il y a des assidus de casseurs qui font des heures supplémentaires. Ces petits cons prennent le métro uniquement pour balancer 1 ou 2 cocktails Molotov sur ma façade et ils repartent aussitôt après. Au début, c’était une ou deux fois par semaine, mais après, c’était quasiment tous les jours. Ils disent même bonjour et au revoir. A la longue, on se tutoie, c’est humain. Mais je les traite de gros connards tout de suite après les salutations. Ça aussi, c’est humain ».
« Obligé de faire les soldes pour économiser »
Avec les lots de bonnes affaires à faire, les Gilets jaunes, toujours en quête de bons plans pour ne pas entamer davantage leur budget, proche du niveau zéro dès le 15 de chaque mois, ont décidé de reporter leurs traditionnels rassemblements de grogne contre la politique du gouvernement libérale français. « On n’est pas à 10 manifs prêts. De toute façon, au train où vont les choses, ça durera des années nos manifestations des Gilets jaunes. Et puis, même avec les 100 euros de plus que nous a accordé gentiment, mais sous la contrainte quand même, le gouvernement, je ne m’en sors pas. Quand le carburant avait augmenté, j’avais laissé ma voiture au garage. Résultat, elle démarre plus. Normal, c’est un diesel. Là, même avec ces put***s de 100 euros de plus, je ne pourrais pas faire réparer ma bagnole. Je suis obligé de faire les soldes pour économiser sur les fringues qu’on besoin les gosses », confie un Gilet jaune, tout en pliant sa tente dans un ancien rond-point bloqué.
« Le 12 février au soir, c’est plié »
Les soldes s’achèveront le 19 février, sauf à Saint-Pierre et Miquelon et dans certains départements à l’Est du pays. « Nous, on finit les soldes plus tôt que chez vous. Chez nous, le 12 février au soir, c’est plié. Encore une preuve que vous êtes des fainéants, les gens de Paris, ainsi que ceux du Centre, du Nord, de l’Ouest et du Sud du pays. Nous, dans l’Est, on ne perd pas de temps. On commence tôt et on termine encore plus tôt. Mais attention, des fois, on se repose.Ce n’est pas la course à la productivité et au rendement tout le temps. Ça nous arrive de lever le pied et même de faire des grasses matinées jusqu’à 7 heures du matin. On n’est pas des robots montés sur jambes non plus. Il faut arrêter avec les clichés propagés par des fainéants qui travaillent uniquement 35 heures par semaine », assure un habitant de Moselle, qui carbure à une moyenne de 80 heures de travail par semaine, en basse saison. D’ici-là, les Gilets jaunes se ruent dans les magasins qui font bénéficier leur clientèle de tarifs avantageux pour leurs porte-monnaie.
« Tu as l’air exténué »
« Vous êtes toujours pressés en métropole. Faites comme nous, prenez le temps de vivre, savourez l’instant. Ne vous étonnez pas si vous êtes toujours irritables et irrités, vous, les habitants du continent. Termine ton verre de punch, Doudou, me conseille un aimable saint-pierrais. Allez !. Ça va te remonter le moral. Tu en as bien besoin, regarde comme tu as l’air exténué. T’es toujours au milieu des manifs à Paris, Nantes ou Bordeaux, avec tes yeux qui piquent à cause des lacrymogènes. Je te ressers un ti’coup et ne dis pas non à mon invitation, ça me fait plaisir, en plus. A ton visage, je vois que tu es surmené. Prends un maillot de bain, va bronzer sur notre belle plage et va faire quelques brasses pour te détendre. ici, à Saint-Pierre et Miquelon, nous aussi, on galère, mais on prend le temps de souffler un peu. L’eau est à 28°, ça serait dommage de ne pas en profiter en plein mois de janvier ».
« Quitter nos ronds-points pour faire les emplettes low-cost »
Cependant, d’irréductibles Gilets jaunes ne s’adonneront pas à cette vague de shopping hivernal. Ils ont décidé de manifester, malgré tout. « Irréductibles, irréductibles, il ne faut pas exagérer, mais ce compliment nous fait plaisir, merci quand même. On est un petit peu irréductibles, c’est vrai, mais on est surtout fauchés. C’est pour ça qu’on ne peut pas quitter nos ronds-points pour faire les emplettes low-cost. Même avec leurs -90%, on n’a pas assez de blé pour payer les 10% restants », prévient un Gilet jaune qui sera présent tous les samedis prochains durant les manifestations parisiennes.
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