Ces procrastinateurs qui n’ont toujours pas fêté les réveillons de Noël et du Nouvel an.
Avec le changement d’année, toute la population du pays est passée à autre chose, en redescendant sur terre, avec ses réalités de tous les jours, ses espoirs, ses tracas, ses charges à payer, ses factures et mille et un autres soucis quotidiens. Cependant, une catégorie de personnes, à savoir les clampins, plus communément appelés procrastinateurs ou traînards, vit encore dans le passé, puisqu’elle a encore des choses à réhabiliter. Malgré leurs innombrables reports d’interview, lejournalnews.com a recueilli des témoignages de ces énigmatiques, et souvent énervants, émotionnellement parlant, procrastinateurs.
Le festivo-mercantilo-sacro-saint Noël est passé, le réveillon du Nouvel an également, mais pas pour tout le monde. En effet, nombreux sont les procrastinateurs, en fait tous les procrastinateurs, qui ont reporté les célébrations de Noël, mais également celles du pourtant très récréatif et jovial Nouvel an.
« Dans une autre dimension que la nôtre »
« Vous avez de la chance d’avoir recueilli les témoignages de ces fainéants (procrastinateurs, ndlr). Moi, je n’ai pas la même veine. Il faut savoir qu’ils ne viennent même pas chercher leurs gains, ces petits cons. C’est un comble, surtout en ces temps de crise. Je suis obligé de me déplacer chez eux pour leur remettre leur pognon à la con. Une fois, j’ai même eu un gagnant de l’Euromillions qui avait touché le jackpot, mais qui n’est pas venu. Il a quand même, je ne sais par quel miracle, trouvé le temps pour me prévenir, mais par téléphone. Enfin, c’est sa copine qui m’a téléphoné. Une nana dynamique, mais jusqu’à ce qu’elle le rencontre. Elle est devenue feignasse, bien plus que lui. Elle avait essayé de lui faire changer d’attitude, mais au final, c’est elle qui a changé. Sûrement une réaction de mimétisme ou de phagocytage. C’est un client psy qui m’avait dit ça quand je lui en ai parlé. Si vous saviez le nombre de psys qui se bourrent la gueule après avoir entendu les problèmes de dizaines de gens toute la journée, vous seriez impressionné. Donc, sa copine m’avait dit que son gagnant du jackpot de copain viendrait venir pour chercher son billet gagnant. Deux fois par semaine, que je joue pour lui et il passait payer ses tickets et encaisser en cas de gains, mais longtemps après. Pour le paiement de ses tickets de loterie, ça se fait par virement maintenant. Au début, je payais pour lui, mais je ne pouvais plus au bout de 6 mois. A un moment, j’ai lui ai dit ‘Stop, tu dois trouver une solution pour me payer sur-le-champs’. D’où les virements, c’est plus simple et plus rapide, surtout. Je ne peux pas faire tourner mon commerce avec des clients, aussi sympathiques soient-ils, qui vivent au ralenti et qui vivent dans une autre dimension que la nôtre, surtout. Financièrement, c’est impossible. Mais pour son gros lot qu’il a gagné, j’ai attendu presque 2 mois. J’ai été forcé d’aller chez lui, car au bout de 60 jours, le billet est nul et il ne peut plus être encaissé. Moi, perso, je m’en fous, j’ai rien à gagner dans l’histoire. C’est plus pour lui, il me faisait de la peine. Il touche un tout petit plus du Smic. D’ailleurs, je ne sais pas comment il arrive à l’heure à son travail. Il doit bosser en freelance, d’après mon analyse personnelle. Ils ont une relation étrange avec le temps, les freelances. C’est pour ça qu’ils ne portent jamais de montres, sûrement. Mais le mec a quand même touché son gain. Enfin, quand il déposera son chèque à sa banque. Ça fait quand même 3 ans que sa banque attend sa visite. Les salariés du service compta de la Française des jeux sont sous antidépresseurs. Ils ne savent plus où reporter le montant astronomique du gain, d’année en année, dans leur Grand journal de leur plan comptable. Ils sont dans une sorte de labyrinthe comptable à cause du glandeur (procrastinateur, ndlr), avec les cases report à nouveau. Moi, j’y connais rien en compta, mais je les entends quand ils picolent pour oublier, au comptoir de mon bar. Le chèque a été signé, il a été donné, mais il n’est pas encore encaissé. C’est un vrai casse-tête pour eux. Il faut dire qu’il y a de quoi. Les altruistes gars de la Française des jeux, ils lui ont même envoyé une voiture avec chauffeur pour l’accompagner à sa banque. Il faut reconnaître qu’ils ont le cœur sur la main, les gens de la FDJ. En plus de partager leur pognon, ils aident les gagnants à aller chercher leur oseille. Résultat, ça fait 3 ans que la voiture est garée devant chez lui. Je ne vous raconte pas non plus l’état psychologique des chauffeurs qui attendent le gagnant. Si vous saviez, mon bon monsieur, le nombre de chauffeurs qui ont demandé à être mutés ou qui ont même démissionné. C’est bien simple, je ne les compte même plus. Normal, il en faut des nerfs pour attendre un mec, qui est potentiellement millionnaire, mais qui ne l’est pas encore officiellement, tout ça car il a la flemme de déposer son put*** de chèque à sa put*** de banque, c’est dur émotionnellement parlant. Je ne vous parle même pas des chauffeurs qui se sont barrés en chialant comme des madeleines de Proust, après avoir enlacé leur voiture. Tout le monde croit que les chauffeurs, ça aime glander des heures en attendant leurs passagers. Détrompez-vous. Je parle des chauffeurs salariés, pas des VTC. Les VTC, ça n’aime pas attendre non plus, mais eux, c’est à cause qu’ils sont payés à la course. Donc, les chauffeurs ont une réelle passion pour la conduite. Alors attendre un gars des jours durant, nuit et jour, sans faire un seul kilomètre, il y a de quoi craquer, CQFD. Avec les chauffeurs, c’est toujours le même scénario. Au début, ils frétillent d’impatience de déposer le mec à la banque. Normal, les gagnants de l’Euromillions, ils donnent des billets comme pourboire. Ils ne donnent jamais de pièces les riches, ça se saurait sinon. Mais après 2 ou 3 jours d’attente, les chauffeurs commencent à trouver le temps long. Ils font les 400 pas, puis ils surfent sur internet, ils écoutent de la musique et ils se mettent à lire. Au début, des magazines, puis des journaux avec de vrais articles, et ensuite, ils lisent de gros livres, comme ceux qu’il y a à la bibliothèque à Mitterrand (BNF, ndlr). Mais après une dizaine de gros bouquins, épais comme un annuaire téléphonique, ils craquent. J’invente pas. Certains chauffeurs, je les ai vus partir en pleurant. La maison du glandeur millionnaire est à l’autre bout de ma rue et sa banque, elle est juste en face de chez lui. Il y a des choses, il ne vaut mieux pas chercher à les comprendre, t’arriverais pas. Je te ressers un verre ?. Dis pas non, ça me fait plaisir. D’habitude, les journaux ne viennent chez moi, que quand le prix du tabac augmente. Et encore, ça augmente tout le temps les clopes, donc ils viennent moins souvent. Ils repassent les mêmes reportages. Une question d’économie, sûrement. Allez, il est pour moi ce verre. Geneviève !, un autre demi pour le journaliste ! », demande l’aimable gérant d’un bar-tabac-PMU.
« Reporter les demandes en mariage »
Alors qu’ils sont habitués à reporter les demandes en mariage ou même de divorce, les envois de courriers, surtout ceux importants, les activités sportives, les enterrements, ou encore les visites pour aller voir un membre de la famille, un proche ou leur employeur, les procrastinateurs sont également accoutumés à repousser les fêtes, le réveillon de Noël, le réveillon du Nouvel an et même les anniversaires. « J’ai encore 12 ans, moi. Mon anniv est renvoyé aux guirlandes grecques (calendes grecques, ndlr) chaque année. A chaque fois, mon père me dit qu’on va le fêter, mais là, ça commence à tarder un petit peu », se désole un jeune homme de 23 ans.
Interrogé sur le pourquoi du comment de cette envie de tout reporter, jusqu’aux fêtes de Noël et du Nouvel an, un premier procrastinateur a bien voulu nous accorder quelques instants. « S’il te plait, on peut reporter cette interview à une autre fois ?. Merci. On se rappelle », augure un quarantenaire, un sac rempli de guirlandes dans une main et une bûche de Noël dans l’autre, alors que nous sommes en janvier.
« Mon chirurgien vous le dira mieux que moi »
Une autre procrastinatrice, la trentaine fringante, a bien voulu nous accorder quelques minutes de son précieux temps. « Désolée d’avoir reporté cette interview une bonne dizaine de fois (36 fois, ndlr). Je reporte toujours les choses, je ne sais pas pourquoi. Je décale même des rendez-vous importants. Mon chirurgien vous le dira mieux que moi, au sujet de mon appendicite. Il a dû m’opérer dans mon salon. En 40 ans de métier, je n’avais jamais vu ça, qu’il a dit. Il m’avait hurlé ça, juste avant mon anesthésie. Je comprends pas sa réaction. Je suis normale pourtant. Pardon, mais je dois filer. On fera cette interview une autre fois, ok ?. Vous pouvez m’appeler, mais avant 19 heures. J’espère que j’allumerai mon téléphone. Non, non, finalement, je vous appellerai. Bye », indique une aimable femme, qui n’a toujours pas contacté la rédaction.
« Sacré nom d’un psychologue »
Un spécialiste en psychiatrie décisionnelle a bien voulu nous fournir des informations sur les raisons qui poussent les procrastinateurs à faire les choses le plus tard possible, sans prise en compte aucune de l’importance ou des conséquences des tâches reportées. « Les raisons qui poussent les procrastinateurs à remettre au semestre prochain ce qu’ils peuvent faire le jour même sont diverses et variées. Il y a tout d’abord les procrastinateurs qui estiment qu’ils ont tout le temps du monde, à la limite de l’éternité, à cause de ce sentiment d’immortalité qu’ils ont en eux. Cela est dû à des interférences entre les lobes frontaux et les lobes temporaux. Dans le cerveau, ce sont les lobes temporaux qui gèrent les émotions. D’où l’absence total de réaction quand un problème survient suite à une non prise de décision. Observez bien certains procrastinateurs qui se fichent des conséquences de leurs non-actes. Ils sont insensibles, émotionnellement parlant, face à tous les types d’informations. Pour eux, recevoir une dernière facture avant poursuites ou un flyer publicitaire, c’est kif-kif bourricot, rien à battre, rien à foutre, et après moi le déluge. Il y a quand même des procrastinateurs qui ont des enfants à charge. Tu peux procrastiner quand tu es logé, nourri et blanchi à l’œil chez tes parents, mais pas quand tes marmots te supplient d’aller au supermarché pour faire les courses, quand ta femme trime au boulot. Tout ça parce que le procrastinateur reporte ses envois de CV et de lettres de motivation de mes deux. Il existe également la catégorie des procrastinateurs qui trouvent toujours une activité de substitution à la tâche initialement prévue. Cette activité de rechange, pour parler en langage simple et simpliste, afin que votre lectorat comprenne, est en général moins importante ou utile que l’activité principale. A la place de la radio des poumons, le fumeurs aux 3 paquets par jour préférera aller au cinéma. Le cinéma, c’est très bien, mais de là à reporter son rendez-vous chez le pneumologue, il y a des limites à l’entendement, sanitairement et vitalement parlant. La catégorie la plus complexe est sans conteste celle des procrastinateurs qui disent qu’ils n’ont pas le temps, alors qu’ils passent des heures entières devant leurs séries ou à rêvasser devant internet. Ces spécimens de ‘Tempus Decalus Projectus’, comme les détermine la nomenclature médicale scientifique officielle, sont nombreux. Il y a de quoi en perdre son latin face au temps que ces procrastinateurs dilapident. Pardon, mais je vais dire un gros mot. Saperlipopette !, ces connards qui remettent toujours tout à plus tard (procrastinateurs, ndlr) pourraient au moins penser aux grands malades qui sont proches de passer de l’autre côté de l’oxymètre de pouls ou aux chefs d’entreprise qui sont au bord du dépôt de bilan, car ils cherchent des liquidités pour sauver rapidement leur boîte. Ces branleurs de mes deux (procrastinateurs, ndlr) pourraient se bouger le cul un peu plus et utiliser leur temps à bon escient, au moins par solidarité avec celles et ceux qui n’ont pas une seconde à perdre, sacré nom d’un psychologue. La procrastination n’est pas encore une pathologie. Elle n’est pas reconnue comme une maladie à part entière. Elle est tout juste admise comme un dérèglement, mais il faudra sérieusement repenser la chose de la part de l’Organisation mondiale de la Santé. A moins que eux aussi, ils ne soient des procrastinateurs », se méfie un psychiatrie.
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