Politique

La « Lettre aux Français » de Macron comportera les définitions des mots « sens » et « effort ».

Lors de la traditionnelle dégustation de la galette des Rois, au Palais de l’Elysée, en présence des consciencieux artisans-boulangers, accompagnés des studieux et dociles apprentis, le Président de la République en a profité pour lancer un message d’apaisement aux français, tout de suite après avoir constaté qu’il n’avait pas trouvé l’espérée fève, porteuse de chance durant une année pleine et entière.

Sans les nommer dans son discours devant des artisans-boulangers épuisés, car ils étaient levés, comme d’habitude, depuis 2 heures du matin, après seulement leurs 3 heures quotidiennes de sommeil, l’imperturbable Emmanuel Macron a voulu calmer les bouillonnants esprits des Gilets jaunes, suite au ras-le-bol de la majorité des citoyens de France métropolitaine et des DOM-TOM. Devant de vaillants et ventripotents artisans-boulangers, accompagnés de leurs obéissants et apeurés apprentis, le Chef de l’Etat a fait l’effort de faire un discours pour expliquer le sens de sa politique, mais il en a également profité pour donner un cours disruptif de motivation et de PNL, programmation neuro-linguistique, digne des meilleures écoles de gestion, aux citoyens en général, et aux affables et réfractaires Gilets jaunes en particulier.

« Suis mon conseil, tu verras, tu réussiras… »

« Salut, gamin. Dis-moi un p’tit truc. T’as écrit ventripotents en parlant des artisans-boulangers dans le début de ton article. T’as un problème avec les biens portants ou je me fais des idées ?. Les gros bidons te posent un problème ?. Non ?, j’aime mieux ça. On va dire que je me fais des idées, comme ça on part sur de bonnes bases toi et moi. Je pense que tu seras d’accord sur ce point. Et puis, ça m’embêterait de te foutre mon batteur mélangeur là où je pense en guise de réponse. Les pains, on préfère les cuire que les balancer dans la tronche, c’est notre devise à nous, les artisans-boulangers. Donc, le sujet est clos, mais juste une petite chose et écoute bien mon petit. C’est normal qu’on ait un petit surpoids, nous les artisans-boulangers. On doit goûter aux pains, aux viennoiseries et aux gâteaux qu’on prépare, sinon on risquera de faire n’importe quoi dans nos boulangeries. Il faut savoir que nous, les artisans-boulangers, comme tous les vrais artisans, on ne fait jamais les choses à moitié. C’est pas comme dans les boulangeries des grandes surfaces ou dans les boulangeries industrielles qui font des offres commerciales du genre 1 baguette achetée, 9 offertes. On trempe pas là-dedans, nous les vrais artisans-boulangers, nom d’une pâte mal pétrie. Nous, on n’utilise pas cette saloperie de margarine ou cette connerie d’huile de palme. Donc, c’est normal qu’on goûte à nos produits. Mais il faut savoir qu’on perd vite les 3 ou 4 kilos pris chaque journée, enfin chaque nuit. Notre jour, c’est votre nuit à vous, les lève-tard. Normal, il fait 50° en moyenne dans nos ateliers. Ça fait un effet sauna. On boit beaucoup aussi à cause de la chaleur, mais de l’eau, je précise. Vous, les journalistes, vous allez encore raconter des conneries du genre qu’on boit de l’alcool au boulot. C’est arrivé juste une fois à un boulanger, il y a très longtemps, en plus. Ce con était tellement bourré, qu’il a mis de la bière, puis du rhum, dans toutes ses viennoiseries, à la place de la levure, pensant que c’était une bonne idée pour rattraper le retard qu’il avait pris à picoler, dès 3 heures du matin. Au début, il voulait juste goûter la bière qu’il comptait incorporer dans une nouvelle recette, et il a continué à goûter, goûter et regoûter. Mauvaise idée. Et il n’y est pas allé de main morte. Il fallait voir les têtes des gamins ivres après avoir mangé leur goûter. Moi, chaque jour, entre 3h et 21h, pendant que je bosse, je bois mes 20 litres d’eau. Allez, termine ta part de galette des Rois, le petiot, je te ressers. Regarde comme t’es tout maigre. La maigreur, c’est pas bon pour la santé. Crois-moi, tu dois couver quelque chose, toi. Mange davantage de beurre doux et de pain aux céréales, aussi. Le beurre, il n’y a que ça de vrai. Suis mon conseil, tu verras, tu réussiras à te porter mieux », me conseille un sympathique artisan-boulanger, tout en croquant une pomme, enrobée de beurre de Normandie.


« Mettre les choses au clair »

« Notre charismatique CEO (Président de la République, ndlr) a utilisé les mots qu’il fallait. Sens et effort conviennent à la situation actuelle, en termes de sensibilisation, d’explication et de conseil. Avec la crise que connaît notre réfractaire nation, avec son taux de chômage qui atteint des pourcentages dignes des pourcentages des soldes et avec le déficit budgétaire qui atteint des niveaux similaires à nos taux de popularité à nous, les élus LaREM, à un moment, il faut mettre les choses au clair et manier les termes adéquats, comme on manie les chiffres durant une belle OPA. De l’avantage d’avoir un Président intelligent à l’Elysée. Au lieu de nous remercier, les réfractaires gueulent encore », constate un élu LaREM, avant d’aller offrir la fève qu’il a trouvé au chef de l’Etat.

« … selon des révélations du petit Robert et du grand Larousse »

Alors que toutes les « Lettre aux Français« , rédigées de la main-même du Président de la République, sont en route vers les foyers des citoyens de France, de Navarre et des DOM-TOM, nous venons d’apprendre que les mots sens et effort seront présents dans le message manuscrit. « Ces fichues lettres ont été envoyées la semaine dernière. Comme si on n’avait pas assez de boulot comme ça », confie un agent de tri de l’affable et honnête La Poste. De plus, selon des révélations du petit Robert et du grand Larousse, les définitions des noms communs masculins qui désignent une notion abstraite, mais réelle, à savoir les mots « sens » et « effort », figureront dans cette lettre à l’intention des français. Les définitions des mots détermination, humilité et patience seront également présentes dans ce tant attendu courrier. « Moi, j’ai ma carte de séjour, je n’ai pas encore la nationalité. Je suis concerné par cette lettre que Macron va envoyer aux français ou pas ?. En plus, je connais déjà la signification du mot effort. Je bosse comme un forçat. Pareil pour tous mes collègues, qu’ils soient étrangers ou français. Dans votre article, vous dites que c’est une lettre aux français, mais je ne suis pas français. Je vais la recevoir ou pas cette lettre, d’après vous ? », me demande un ressortissant étranger, qui travaille 90 heures par semaine, sous une quasi-contrainte, de peur d’être renvoyé par son employeur.

« Il faudra un accusé de réception »

Les français sont impatients de recevoir leur lettre personnalisée. Nombreuses et nombreux sont les personnes qui ont scruté leur boîte aux lettre toute la semaine dernière, avec une certaine effervescence mêlée à du découragement. « Tu m’étonnes que je l’attends la lettre à Macron, mais pas pour la lire. Je pense déjà savoir ce qu’il va y avoir dedans. Des promesses et des messages pour nous dire qu’on doit encore patienter et faire des efforts, c’est presque sûr. Mais ce qui est sûr à 100%, c’est que je vais me torcher avec cette foutue lettre, et en plein milieu de mon rond-point bloqué, en plus. Il nous envoie un courrier, donc il faudra un accusé de réception. L’accusé de réception, vous le trouverez dans une vidéo que je vais poster sur internet de moi en train de m’essuyer le fion avec le papelard. Elle vient quand exactement cette lettre à Macron ? », m’interroge un Gilet jaune, qui se retient d’aller à la selle depuis l’annonce de l’envoi de la » Lettre aux Français ».

Mais tous ne sont pas de l’avis du Gilet jaune interviewé. « Moi, je vais l’encadrer dans mon salon et aussi dans ma chambre à coucher cette sainte lettre« , annonce avec frénésie un élu parlementaire de la majorité LaREM.

« Le Président ne devrait pas dire ça »

Les mots « sens » et « effort » font la une de toute la presse nationale. « Le Président ne devrait pas dire ça, selon l’avis d’un expert en communication. Les mots humilité et patience, qu’il a utilisés dans son discours, sont à prendre avec des pincettes, surtout en cette période de tensions sociales. A ce stade, ce n’est plus de la tension, mais de la rage, soit dit en passant. Le mot détermination, aussi, est à manier avec prudence. Il faut savoir, qu’au train où vont les choses, les Gilets jaunes sont très déterminés à manifester chaque samedi. D’autres seront présents dans leur rond-point durant tout le quinquennat d’Emmanuel Macron. Etant donné que monsieur Macron fera également un second quinquennat, il n’est pas nécessaire de préciser que les Gilets jaunes occuperont leurs ronds-points jusqu’à la présidentielle de 2027. En politique, quand vous avez en face de vous des hordes de citoyens en rogne, il ne faut jamais prononcer les termes détermination, humilité et patience. Certaines personnes prennent cela comme de l’ironie et d’autres ont l’impression qu’ils ne manifestent pas assez.  Idem pour le mot effort. Quand une ouvrière ou un ouvrier, qui se lève à 5 heures du matin pour aller au travail, et qui, de surcroît doit attendre un train ou un bus dans le froid pendant longtemps parfois, car le fait d’avoir une automobile est très onéreux, aussi bien à l’achat qu’à l’entretien, entendre ces mots, ça peut agacer. Si, en plus, la personne exerce un métier à haute pénibilité physique, avec en plus un supérieur hiérarchique qui vous crie dessus 35 heures par semaine, s’entendre dire que l’on doit avoir le sens de l’effort, c’est psychologiquement difficile et nerveusement harassant à supporter. Après, je sais qu’il y a des gens qui devraient travailler davantage, mais il ne faut pas s’adresser à toute la population en généralisant, même si l’intention du Président n’était pas de le faire. Non, un Président ne devrait pas dire ça, même si les intentions d’Emmanuel Macron sont sûrement bonnes ».

 

 

 

Crédit-photo : pxhere, cc0.

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