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Les concours de pulls de Noël dans les entreprises jugés psychologiquement dégradants pour les salariés par le Conseil d’Etat.

Les salariés réticents à porter des chandails de Noël en public ont déjà l’un de leurs cadeaux de Noël en avance. En effet, le vénérable et sage Conseil d’Etat a jugé inconstitutionnel les concours de pulls de Noël infligés par certains managers à leurs collaborateurs.

Noël représente bien évidemment le sapin, les guirlandes, les cadeaux, appréciés ou non, la bûche de Noël, artisanale ou industrielle vendue en boulangerie traditionnelle, l’ivresse bon-enfant et les discussions politiques entre membres d’une même famille diamétralement opposés socio-économiquement. Mais la fête symbolisant la naissance de Jésus incarne également les fameux, et tant redoutés par certains, concours de pull-overs de Noël organisés dans les entreprises françaises. « Dans ma société, c’est concours de pulls avec plein de flocons de neige dessus à Noël, c’est concours de pulls avec des motifs œufs à Pâques, concours de chemises hawaïennes en été et concours de chemises avec des têtes de mort à la Toussaint. Il y a aussi le concours du 14 juillet. Là, il faut être habillé de vêtements bleu, blanc, rouge », fait savoir le responsable marketing d’une PME/PMI.

« Le connard qui a lancé cette mode de concours à la con »

Alors que la fête de Noël en milieu professionnelle sert davantage à connaître les rumeurs qui circulent en interne ou encore à pouvoir faire l’amour avec un ou une collègue dans le placard à balais en toute discrétion, sous l’effet dynamisant de l’alcool haut-de-gamme, ce concours de pulls sème la zizanie chez nombre de salariés. « Je ne sais pas qui est le connard qui a lancé cette mode de concours à la con. En tout cas, j’espère pour lui qu’il ne croisera jamais mon chemin, car je lui ferai bouffer le pull tout pourri que ma femme m’a choisi pour porter lors du putain de concours des putains de pulls de Noël de ma putain de boîte. Désolé pour le blasphème, quand j’ai dit putain et Noël dans la même phrase, mais il y a de quoi être énervé quand même. Mon pull pour le concours est tout pourri. Vous avez vu les motifs ? », me questionne Antoine, cadre supérieur dans une multinationale française, une Bible dans une main et un chandail de Noël dans l’autre.


« Passer à côté de ma promotion à cause d’un pull… »

Mais tous ne sont pas de l’avis d’Antoine. Les salariés font du lèche-vitrine à tout-va pour trouver le déguisement original qui matérialisera l’esprit de Noël. « Non, ce n’est pas un déguisement comme vous dites de manière offensante et condescendante. Moi, en tout cas, je n’ai pas intérêt à me rater si je ne veux pas passer à côté de ma promotion à cause d’un pull de merde. Il faut savoir que si tu n’as pas le bon pull de Noël, tu n’auras ni promotion, ni augmentation, ni même l’invitation pour le séminaire ou le congrès dans les îles. Je ne veux pas être blacklisté par les chasseurs de têtes », fait savoir un contrôleur de gestion, avant de me demander de participer à un brainstorming pour le choix du pull-over qu’il portera lors de la fête de fin d’année de son entreprise.

« Mon pull… sera mainstream »

« Noël, c’est festif pour certains, c’est prétexte à l’alcoolisme pour beaucoup, c’est strictement religieux pour d’autres, mais pour les collaborateurs d’entreprises, cotées en bourse ou non, Noël, c’est avant tout corporate. Moi, cela fait 10 mois que j’y travaille à cette compétition ardue et sans pitié. Depuis le 1er janvier dernier, j’ai fait une liste de 1k de pulls (1.000 pulls, ndlr), me précise Stéphane, RH d’une grande entreprise. J’ai téléchargé toutes les photos des pulls sélectionnés pour l’étape 1. Dès début décembre, je passerai à l’étape 2. Je ferai un kick-off meeting avec moi-même pour ne retenir qu’une centaine de modèles grâce à un indicateur clés de performance. C’est une collègue du service informatique qui a réalisé un programme spécial pour choisir les vêtements sur photos, selon plusieurs critères prédéfinis, à savoir la couleur dominante, la couleur secondaire, les motifs, etc. Ce logiciel analyse également les risques. Et il y en a beaucoup des risques et des problématiques dans ce genre de projet de grande ampleur en termes d’avancement et de promotion. Notre informaticienne a conçu le logiciel pendant ses vacances et ses RTT. Ensuite, l’étape 3 consistera à choisir 30 pull-overs lors d’un debriefing avec moi et mon ego. Lors de l’étape 4, 20 pulls seront retenus puis 10 après l’étape 5. Les étapes 6 et 7 de ce rapide process de sélection permettront d’avoir un listing de 3 vêtements favoris. Les pulls finalistes seront choisis lors d’un workshop avec les stagiaires. Ces fainéants (stagiaires, ndlr), grassement rémunérés pour passer le temps à ne rien faire et discuter de séries sur Netflix ou de jeux vidéos soit dit en passant durant leur stage, doivent bien servir à quelque chose, non ?. Nous allons switcher nos avis avec les glandeurs (stagiaires, ndlr). Suite à cela, il y aura un reporting qui sera rédigé ASAP (le plus tôt possible, ndlr). Enfin, le pull que je porterai sera choisi par ma femme entre les 2 vêtements finalistes. Je ferai un meeting en one-to-one avec elle pour checker puis updater le projet privilégié. Je compte beaucoup sur elle pour être force de proposition. Mais cela sera purement professionnel. Mon avancement est en jeu lors de ce concours de pulls de mes deux. Avec ma moitié, il n’y aurait ni regards coquins, ni bisous sans la langue, ni bisous avec la langue, ni câlins, ni caresses, ni fellation, ni pénétration, qu’elle soit vaginale ou bien l’autre (long silence). Enfin, le logiciel de la collègue informaticienne validera le pull vainqueur pour la mettre bien profond à mes enculés de collègues quand je remporterai ce putain de concours de pullover de Noël de mes couilles !. Mon N+1 sera vert de rage, l’enfoiré !. Mon pull d’hiver officiel pour cette compétition sera mainstream, bien comme il faut. Ça sera un putain de pull-over disruptif, vous verrez. Ne le répétez pas, mais j’ai mis en place un plan de communication dédié. Depuis mars dernier, je mets mes connards de collègues sur de mauvaises pistes en termes de motifs et de choix de couleurs de mon chandail. Apparemment, ils ont mordu à l’hameçon. Depuis avril, ils m’évitent à la cantine de la boîte et à la machine à café pour discuter entre eux de leurs pulls de Noël. Je suis sûr qu’ils sont jaloux de moi et qu’ils veulent me copier. Mais le plus fort, c’est qui ?, c’est bibi. Bon, je dois filer. Ma deadline est pour bientôt. Noël est vite arrivé ».

« Se foutre une dinde de Noël et de la neige dans le slip et faire un concours »

Mais un rebondissement pourrait entraver les promotions et autres augmentations des salariés du privé ou du public. En effet, le vénérable Conseil d’Etat vient de proclamer que les concours de pulls de Noël dans les entreprises sont contraires à la dignité humaine. Les sages ont émis un avis défavorable à cette récente tradition vestimentaire entrepreneuriale. « Des concours de pulls de Noël ?. Et puis quoi encore ?. Pourquoi pas des concours de bonhommes de neige dans les bureaux ?. Tant qu’à faire, pourquoi ne pas se foutre une dinde de Noël et de la neige dans le slip et faire un concours, pendant que nous y sommes ?. Non, les concours de pulls de Noël doivent être réservés à la sphère du privé. Vous n’imaginez pas combien nous recevons de courriers, à partir du 25 décembre de chaque année, de gens qui sont traumatisés par ces compétitions. Les burn-outs relatifs à ces pulls de Noël sont affolants, tellement ils sont nombreux. Il y a même des posters de gens en pull-overs de Noël qui sont accrochés dans les halls des sociétés ou des administrations publiques… toute l’année. Être l’employé du mois, oui, c’est émotionnellement enrichissant et encourageant. Mais être le crétin du mois en pull avec dessiné dessus un cerf qui louche ou un sapin à la con, avec sa photo accrochée à l’accueil de sa société, cela n’est pas acceptable. C’est à la limite de l’humiliation. Humainement parlant, ce n’est ni bénéfique, ni raisonnable pour le bien-être mentale des salariés », recommande un éminent membre du Conseil d’Etat.

Mais les syndicats n’en démordent pas. Selon eux, les concours de pulls de Noël continueront bien d’exister. « Pour une fois que nos camarades-adhérents porteront autre chose que des chemises manches courtes-cravates, on ne va pas rater l’occasion. Ces championnats de pulls (concours de pulls, ndlr) sont bons pour le moral des salariés français. En plus, le vainqueur paie le Ricard (sourire). On lâchera rien. Gilets Jaunes, pulls de Noël, même combat ! », revendique fièrement un représentant syndical, vêtu de son plus beau pull de Noël, sous son gilet jaune, pour cette interview.

 

 

 

Crédit-photo : TheUglySweaterShop, Flickr, cc by 2.0.

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