Des membres de #StopMigrantsAlpes, qui avaient oublié leurs papiers d’identité, ont été conduits à Lampedusa.
Visant à bloquer l’accès aux migrants venus d’Italie, l’opération #StopMigrantsAlpes a été organisée par des militants du mouvement nationaliste Génération Identitaire. Mais tout ne s’est pas passé comme prévu pour certains d’entre eux.
Les militants n’avaient pas fait les choses à moitié. Hélicoptère, banderole géante et filets en plastique avaient été mobilisés pour conseiller, en tout bien tout honneur, et accessoirement pour empêcher les migrants, essentiellement africains, de venir sur le territoire français via l’Italie. « Les pâtes ne sont plus ce qu’elles étaient en Italie. Il leur faut revenir aux recettes traditionnelles de la pasta, la vraie », note un migrant. Il ajoute, « en France, c’est pas pareil. Sur TV5 Monde, il y a des émissions qui présentent les succulents plats faits avec des produits du terroir français. C’est quand même mieux chez vous, les blancs français, avec tout le respect que j’ai pour la cuisine italienne ».
« On bloquera tous les postes des douanes, s’il le faut »
Mais les aspirations du groupe de génération Identitaire, qui s’autoproclame service officiel des douanes, enfreignant les lois françaises et européennes, ne l’entend pas de cette oreille. « Est-ce que nous, les français, on part travailler à l’étranger car il n’y a pas de débouchés ici en Gaulle ? non. Comment ? si ? ah bon ? vous êtes sûrs ? dans tous les continents ? ok, ok, mais c’est pas pareil. Ça sonne mieux quand un français de souche cherche du travail à l’étranger, question de couleur de peau, peut-être. Bon, tu me poses plus de questions sur ce sujet. Ok ?. Tu sais comment on est nous. Les longues discussions, on n’aime pas trop. On préfère se battre, plutôt que de débattre. A part un ou deux gars de chez nous qui causent comme les intellos. Donc, pour en venir à notre sujet de discussion, on s’est inspiré des milices des USA qui font des patrouilles pour empêcher les burritos latinos d’aller aux Etats-Unis. Mais nous, c’est sans les armes, bien entendu. Non pas qu’on ne voulait pas, mais on n’a pas le droit en France. Saloperies de gauchos. Je peut te dire qu’un ou deux tirs en l’air et ils font demi-tour direct. En plus, ici en France blanche, on n’a pas le même climat. Ici, dans les Alpes, on se les gèle. Dur de faire un barbecue. Même les bières qu’on avaient ramené sont dures comme de la glace. On ne peut pas rester trop longtemps, sinon on risque l’amputation à cause du gel, même avec nos anoraks et gants. Sans les mains et les pieds, comment voulez-vous qu’on cogne si nos mains et nos pieds sont enlevés. Il y a toujours les coups de boules, mais c’est moins artistique. Nous, vous savez, on aime pas trop les discussions. Ce n’est pas faute d’arguments. On a des arguments, oui, mais on les compte sur les doigts d’une main, non amputée. Quels sont nos arguments ?. C’est simple. Immigration, bougnoules, nègres, youpins, jaunes, chômage, profiteurs, allocations, CAF, CMU, RSA, dégagez. Ca fait 12 mots ? plus que les doigts des deux mains ?. Ajoute un orteil et ferme ta gueule de journaleux de ma couille. J’en ai perdu une lors d’une bagarre avec des antifas. Ça te fait pas marrer intérieurement j’espère ?. Tu me le dirais sinon. Hein ? je t’entends pas. Ok, c’est bon, j’ai entendu. Quoi ?. Tu veux parler de mes fringues ?. Oui, t’as un problème avec mes sapes ?. Mes vêtements sont made in China et alors ?. Tout ce qui est fabriqué en France est trop cher. Avec mon budget, je ne peux pas me le permettre. Que les étrangers fabriquent des vêtements pour les français de souche, d’accord. Mais qu’ils ne viennent pas les fabriquer ici, on bloquera tous les postes des douanes, s’il le faut », indique un militant.
« …bien française, labellisée de souche »
Mais après avoir fait le buzz et les gros titres de la presse nationale et internationale, les militants avaient été contrôlés par les forces de l’ordre. Plusieurs d’entre eux n’avaient pas de pièces d’identité sur eux. Ainsi, malgré leurs protestations, les gendarmes français les ont remis aux autorités italiennes, qui les ont transférés, directement et manu militari, à Lampedusa, centre de rétention en Italie. « J’ai dit au gendarme que j’avais pas amené mes papiers avec moi. Il m’a foutu direct dans leur hélico. Quand je lui ai dis que je suis français et de souche en plus, il m’a répondu qu’en bon français, on ne dit pas amené mes papiers, mais apporté mes papiers. Amener concerne les êtres vivants et apporter concerne les objets. Si en plus, pour que l’on me croive (croit, ndlr), il faudrait causer le français du Larousse, je ne suis pas sorti de l’auberge, pas l’espagnole, même si ils sont blancs, mais l’auberge bien française, labellisée de souche », précise un jeune homme de Génération Identitaire. Il ajoute, « dans la précipitation et surtout la joie de bloquer l’accès aux migrants, j’avais oublié mon portefeuille. Il y avait tous mes papiers dedans. Résultat, je me suis retrouvé à Lampedusa. Je suis étudiant en sociologie. J’ai d’ailleurs fait la connaissance d’un ivoirien extraordinaire qui est professeur d’université. Il a dû quitter sont pays pour des raisons politiques. Monsieur Traoré m’a d’ailleurs appris un grand nombre de choses pour mon examen de fin d’année et je l’en remercie vivement. Cela dit, je pense que les migrants ne profiteront pas à la France, sauf monsieur Traoré. Lui, j’aimerais bien qu’il vienne en France », précise un militant de Génération Identitaire.
« …une avalanche tout de suite après, dans les Alpes »
Avec les délais, extrêmement longs, de traitement des dossiers, la vingtaine de militants, qui se trouvait dans le centre de rétention de Lampedusa, en Italie, devaient, initialement, rejoindre la France dans un délai de 8 à 10 mois. Ensuite, ils devaient être transférés dans un centre de rétention en France pour une durée de 90 jours. Mais les militants de Génération Identitaire ont bénéficié de l’aide de l’un d’entre eux, avocat spécialisé en immigration, également arrêté dans les Alpes. Ils sont retournés en France ce dimanche matin. « Heureusement qu’il y avait un avocat parmi nous et heureusement aussi que les gendarmes nous aient arrêté car il y avait une avalanche tout de suite après, dans les Alpes. Pile-poil là où on avait fait notre barrage anti-migrants », précise un membre du groupe.
« Ils m’ont exclu d’office du mouvement »
Mais, durant leur court séjour à Lampedusa, les membres de Génération Identitaire ont pu compter sur la légendaire et magnifique hospitalité africaine. « D’autant, je ne les aimais pas les étrangers, mais là, je pense que j’avais tout faux. On a bien rigolé avec mes nouveaux amis africains. Nous avons longuement discuté et débattu, pacifiquement, de politique, d’économie, de philosophie et de foot bien sûr. Je précise le terme pacifiquement car cela ne s’est pas terminé en bagarre. Comme quoi, j’avais vraiment tout faux. Nous on parle puis on cogne tout de suite après, c’est une sorte de tradition. Et le soir, nous avons organisé une soirée de folie. J’ai même appris à danser le coupé-décalé, le funana, le mapouka, le soukous et le sabar. On a bien mangé aussi. Entre les tiep bou dien, le poulet yassa, les tajines, le mafé de boeuf, avec sa viande qui a longuement mijoté et l’attiéké. C’est bien simple, je ne rentre plus dans mon pantalon taille 42. Pour le tiep, je vous recommande celui au poisson, c’est mon préféré. Un véritable délice. Dans l’avion du retour, quand j’ai proposé aux camarades de Génération Identitaire de mettre ces plats africains dans le menu de la cantine du mouvement, ils m’ont exclu d’office du mouvement », souligne un ancien partisan de Génération Identitaire qui a adhéré, directement à son arrivée en France, à La France Insoumise.
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