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Journée mondiale du sourire : le cap des 2,5 millions de verbalisations pour non-risette a été dépassé en France cette année.

Créée en 2001 par la Harvey Ball World Smile Foundation, en hommage à l’artiste du même nom qui a élaboré le célèbre Smiley, la Journée mondiale du sourire est le seul jour de l’année durant lequel il est fortement conseillé d’afficher un large rictus, faute de quoi, les contrôleurs vous souriront pendant qu’ils rédigeront votre amende.

Comme toutes les années, à travers les quatre coins du monde, le sourire a été de rigueur le 5 octobre dernier. Les français l’ont bien compris. Sans raison, ils sourient, ils publient sur les réseaux sociaux leurs plus belles risettes, ainsi que des smileys, ces têtes de couleur jaune à l’air rigolo. « Attention à ce que tu dis sur les jaunes. Précise bien que tu parles des Smileys et non pas des asiatiques. Politiquement, c’est très incorrect de mettre dans la même phrase tête et jaune », me recommande un parisien d’origine japonaise, de passage à Paris pour rendre hommage au talentueux et regretté chanteur disparu, Charles Aznavour. Il ajoute, « Monsieur Aznavour se tapait 10.000 kilomètres pour s’habiller dans ma boutique à Tokyo. C’est un triste jour aujourd’hui. Je n’ai pas trop le cœur à sourire en cette Journée mondiale du sourire. Mais je souris quand même, car je viens de faire enguirlander par un contrôleur du sourire. J’en ai eu pour 3930 yens (30 euros, ndlr) ».

Le tailleur japonais n’est pas le seul à afficher un sourire forcé. En effet, les verbalisations pleuvent, un peu partout en France. « Depuis le temps, les gens doivent savoir que s’ils ne sourient pas aujourd’hui, c’est direct la prune salée. L’amende n’est que de 30 euros, c’est pas beaucoup, mais les individus verbalisés râlent quand même. Si tu ne veux pas râler, tu n’avais qu’à sourire. Journée mondiale du sourire rime avec sourire, point barre », explique un agent en charge des verbalisations.

Ainsi, le 5 octobre dernier, ce sont près de 2,5 millions de procès-verbaux qui ont été dressés dans toute la France. L’averse d’amendes a atteint un record en 2018, comparée aux 600.000 amendes de l’an dernier. « Les journaux en ont parlé, mais j’ai pas souri. Je ferai attention l’an prochain », conclut un parisien, tout en consultant le montant de son amende.


« Je reconnais qu’il n’y a pas trop de quoi rire ou même sourire. Entre le tragique décès du légendaire artiste Charles Aznavour, les prix des cigarettes et du carburant qui s’envolent comme s’envolent nos espérances, c’est un peu normal de tirer la tronche. Mais je dois verbaliser. Si je ne verbalise pas, ça sera moi qui tirera la tronche. Nous avons un quota à respecter », prévient un agent-verbalisateur, tout en me remettant mon procès-verbal.

A préciser que les agents ne dépendent ni de la police, ni des services de gendarmerie, ni d’une quelconque autre administration. « Ce sont des volontaires qui collent les prunes aux personnes qui ne sourient pas. En majorité, ce sont des taxis, qui râlent contre les VTC, mais il y a aussi des dirigeants de certains Ehpad qui tirent la gueule contre des membres de leur personnel qui divulguent les horribles pratiques sur les innocents petits vieux dans certains de leurs établissements. Il y a aussi des huissiers. Mais eux, c’est normal, ils sourient rarement, c’est de notoriété publique. Ils doivent en avoir gros sur la conscience, je pense. Mais je ne veux pas me fâcher avec eux. Je ne veux pas qu’ils viennent chez moi et prendre mes affaires personnelles, dont mes photos de famille et les jouets des marmots. Je ne sais pas ce qu’ils font des photos de mariage ou de la grand-mère, je ne veux pas le savoir, mais ils les prennent quand même. Bref, je ne veux pas me fâcher avec les huissiers, mais il y en a beaucoup qui verbalisent en cette Journée internationale du sourire. Il y a aussi les 60.000 non-inscrits de Parcoursup. Eux, par contre, ils ont de quoi être en colère. Ils voient leurs anciens camarades de lycée faire la fiesta à la fac ou dans les écoles supérieures, lors des soirées alcoolisées et droguées d’étudiants. Ils ont de quoi rouspéter et en vouloir à la terre entière. Donc, voilà. Les organisateurs des PV de la Journée du sourire ont même dû refuser du monde pour mettre les procès-verbaux aux piétons et aux automobilistes. Il y a plein de retraités, de chômeurs, de fonctionnaires qui voulaient participer à la fête des contraventions. Mais il n’y avait pas assez de bloc-notes de PV pour tout le monde », indique un chef de secteur verbalisations.

« Vivement la Journée mondiale du tirage de gueule », s’impatiente un français qui se plaint trop.

 

 

Crédit-photo : pxhere, cc0.

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