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Les résidents des Ehpad forcent les portes des discothèques et des salles de concert, aux quatre coins du pays, pour y organiser des bals musette clandestins.

Toujours confinés, malgré la levée de l’isolement sanitaire en mai dernier, les sages résidents des Ehpad n’ont pas pu tenir plus longtemps cloîtrés. A travers les quatre coins du pays, des groupes de pensionnaires, parfois aidés de salariés des maisons de retraite, ont réussi à rentrer dans des discothèques, bravant les agents de sécurité. Témoignages.

En plus des Ehpad, les discothèques et les salles de concert subissent les conséquences de l’épidémie de covid. Contrairement aux gérants de boîtes de nuit, qui ont sagement manifesté jeudi dernier dans la rue, les affables retraités ont bravé les interdictions avec davantage d’aplomb.

« Le petit jeune de Matignon »

« J’ai affronté mon banquier pendant la crise 1929. ‘Votre fric est parti en fumée, ma bonne dame’, qu’il m’avait dit quand les banques avaient fait faillite. Crois-moi, il l’a retrouvé vite fait bien fait, mon pognon. Je ne me suis pas laissée faire. C’est pareil pour le petit jeune de Matignon (Jean Castex, ndlr) et le toubib (Olivier Véran, ndlr) : ils ne me prendront pas ma liberté d’aller où je veux et quand je veux », prévient une retraitée.

Dans les principales villes de France, des résidents âgés sont allés, de jour comme de nuit, danser dans les discothèques encore fermées en raison des gestes barrières. « Gestes barrières de mes couilles, oui ! Nous étions prêts à limiter le nombre de clients. Nous étions également prêts à faire danser notre clientèle avec les mains uniquement, quand elle est assise, mais rien. Le gouvernement nous interdit malgré tout d’ouvrir », se désole le patron d’une boîte de nuit.


« Lulu nous a joué du Trenet, du Bérard et du Chevalier »

Les résidents réfractaires à l’embargo sur les visites de proches ont forcé les portes des discothèques, mais également celles des salles de concert. « Lulu la Branlette nous a joué du Trenet, du Bérard et du Chevalier. Ça m’a rappelé ma jeunesse. J’en ai encore des frissons quand on finissait nos soirées sous le pont de l’Alma à fumer de l’opium, dans les années 20. Ne fais pas cette tête, gamin. Après tout, l’opium c’est mieux que le haschich des jeunes de maintenant. Ils jouent les rebelles avec leur herbe à la con, mais ils n’auraient pas tenu un round avec notre opium. Dès la première bouffée, ils seraient tombés dans les pommes, ces petits morveux prétentieux. On importait l’opium d’Indochine, tu m’étonnes qu’elle mettait ko tout le monde », explique une aimable retraitée.

Bérard – « Fumeur d’opium » – 1906.

 
Source : Youtube.

« Une plaque de plexi de 10 centimètres d’épaisseur entre eux et leurs familles »

Les propriétaires et gérants des discothèques prennent la chose avec philosophie et désinvolture. « J’ai bien essayé, mais je ne suis pas arrivé à les engueuler, les gentils petits vieux qui ont détruit les portes de ma boîte de nuit pour aller y faire la nouba. Ils m’ont fait de la peine quand j’en voyais à la télé, enfermés dans les Ehpad. C’est pourquoi je leur ai donné les clés. Je leur ai dit d’aller danser dans mon établissement quand ça leur chantait. Ils sont enfermés depuis des mois dans les maisons de retraite, sans pouvoir se balader tranquillement comme à leur habitude, dehors. Quand ils reçoivent leurs proches, il y a une plaque de plexi de 10 centimètres d’épaisseur entre eux et leurs familles. C’est normal de craquer. Moi, c’est tout le contraire : j’en ai marre d’être dehors. Je veux rouvrir mon club, sacré nom d’un karaoké ! », supplie un propriétaire, tout en malaxant nerveusement une balle anti-stress.

« Le chocolat chaud et les croissants en after »

Les jeunes sont hors d’eux. « Nous, il suffit qu’on soit regroupés à 5 à siroter gentiment de la bière, dehors, oklm (au calme, ndlr), et c’est une averse de contraventions en plein sur nos tronches. Les vioques (personnes âgées proches de rencontrer Saint-Pierre, ndlr), eux, ils squattent paisiblement les boîtes de nuit et rien. Les patrons des discothèques leur offrent même le chocolat chaud et les croissants en after, à l’aube », s’offusque un étudiant en sociologie.

« On ne peut plus faire confiance à personne »

Même désabusement du côté du ministère des Solidarités et de la Santé. Les prévenants fonctionnaires en charge de la santé publique appellent les retraités à regagner leurs établissements de retraite. « On ne peut plus faire confiance à personne, bordel ! Si on ne peut même plus se fier à des personnes âgées, qui peut-on croire ?, demande un haut fonctionnaire, ancien délégué médical. Heureusement que j’ai retrouvé des comprimés antistress dans une de mes vieilles sacoches. Ça m’a aidé à tenir, quand j’ai participé aux négociations avec les retraités retranchés dans les discothèques. Leurs représentants dansaient quand je discutais avec eux. Les vieux sont très coriaces, malgré les apparences. »

 

Crédit-photo : pxhere, cc0.

 

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