Société

« Je ne suis pas resté 40 mois dans les tranchées de 14-18 pour fêter les réveillons de Noël et du Jour de l’An dans une cuisine, sacré nom d’une prothèse de la hanche », prévient Eugène, vigoureux retraité.

Pour fêter Noël en famille, nombreuses sont les personnes prêtes à mettre de côté les conséquences d’une contamination au coronavirus. Malgré les appels à la vigilance des autorités sanitaires, ce sont donc des millions de citoyens qui sacrifieraient grand-père et grand-mère pour avoir la traditionnelle et festive ambiance de fin d’année. « C’est le seul moyen pour avoir mes étrennes, confie un ado. Mes grands-parents ne savent même pas utiliser une carte bancaire, alors un virement ?, c’est même pas la peine d’en rêver. Quand ils fêtent Noël avec nous, ils donnent toujours du cash, après être passés à la Poste en journée. Après, qu’ils bouffent avec nous ou dans la cuisine, je m’en fiche comme de mon premier smartphone offert par mamie. »

« Les vieux, ça râle tout le temps,

même quand tout va bien… »


Les fonctionnaires en charge de la santé publique sont au bord de la dépression. Ils ne savent plus comment procéder pour raisonner les habitants de France et de Navarre. « Ce n’est plus des appels à la vigilance que nous faisons. C’est davantage de la supplication. Pour un peu, on devra leur tailler des pipes ou lécher les foufounes des vioques pour qu’ils restent chez eux. Les enfoirés ! Il y a des gens, ils ont beau voir des malades covid sous respirateur avec des tuyaux plein la bouche à la télé : ils s’en fichent. Ils veulent continuer à faire la fête comme avant. Mais on n’est pas avant, c’est pas difficile à comprendre ! C’est pour leur bien en plus. C’est le monde à l’envers (long soupir). Nous sommes en pleine pandémie de merde qui saccage tout sur son passage, personnel soignant compris. Nous y sommes jusqu’au cou ! Les soignants sont au bord de l’implosion, bordel ! Il faut quoi aux gens pour qu’ils rentrent dans leur caboche qu’on ne doit pas rigoler avec les put**** de gestes barrières essentiels pour freiner cette épidémie de mes deux. Les vioques ont leur retraite en temps et en heure, ils veulent quoi de plus ? Ils peuvent quand même patienter le temps que tout le monde soit vacciné, non ? Je comprends qu’ils rouspètent à cause du confinement, mais en même temps : les vieux, ça râle tout le temps, même quand tout va bien », philosophe un agent du département en charge de la sensibilisation aux gestes barrières.

« Je me bourre la gueule où je veux »

Malgré leur long vécu, les personnes âgées ne sont pas du même avis. « Déjà que becter leur connerie de bûche bio à la con, c’est un calvaire. Si, en plus, je dois me la farcir dans la cuisine : hors de question ! Je ne suis pas resté 40 mois dans les tranchées en 14-18 pour fêter les réveillons de Noël et du Jour de l’An dans une cuisine, sacré nom d’une prothèse de la hanche. Les boches ne m’ont pas foutu les jetons. C’est pas un virus qui me fera me planquer », prévient Eugène, vigoureux retraité. « Quand j’étais soldat pendant la Première Guerre mondiale, mes supérieurs et collègues poilus ont dû m’attacher pour que je ne sorte pas des tranchées. Je voulais aller en découdre avec les boches, en face-à-face, directement, avec mon poing dans leur gueule. Mais on ne m’a pas laissé faire. C’était les ordres, que voulez-vous ? Face aux tonnes d’obus lancées sur nos tronches, ‘Fais pas l’con ! Ne t’engage pas dans cette tempête de bombes !, qu’ils disaient’. Mais je peux te garantir que le confinement de cette année, il se passera autrement. Il n’est pas né celui qui me fera rester dans une cuisine contre mon gré. Tu le diras de ma part aux toubibs et aussi aux ronds-de-cuir ! Tu leur diras que je vais où je veux, que je mange où je veux et que je me bourre la gueule où je veux, aussi », ajoute-t-il. Son épouse va dans le même sens. « Ce couillon (Eugène, ndlr) va dans la cuisine, mais uniquement pour mijoter de bons petits plats. Mais gare à celui qui tente de lui ordonner quelque chose. Même si ça part d’une bonne intention. Tous nos beaux-fils en ont fait l’amère expérience. Depuis qu’ils se sont pris une déverrouillée, ils ne lui demandent plus rien, et surtout pas de se reposer. Même son médecin ne lui prescrit plus directement ses médicaments. Il fait l’ordonnance à mon nom et je file à mon Eugène son traitement en douce, mélangé à sa nourriture ou son apéro. Mais attention, il ne faut pas se fier aux apparences. Sous ses airs bourrus, il est tendre comme tout, mon Eugène », confie sa sympathique et tendre épouse.

« Un peu moins de mémoire

mais encore toutes mes dents »

« Le toubib a parlé de la bûche, uniquement. Apparemment, il ne sait pas que même si on est vieux, on a encore nos dents pour manger la dinde de Noël. La majorité des personnes âgées a un dentier, mais pas tous. Moi, en tout cas, j’ai encore toutes mes dents ! Je mordrai à pleines dents dans la dinde. J’ai un petit début d’Alzheimer, un peu moins de mémoire mais encore toutes mes dents », fait savoir une charmante retraitée.

« Avec eux, il faut toujours prendre des pincettes… de la taille de pinces spaghetti »

« Là, je pense que tout le monde à bien compris que les petits vieux ont la tête dure. Je sais que le Président de la Commission médicale d’établissement de l’AP-HP veut le bonheur et surtout la survie des personnes âgées, quand il a dit que les papys et mamies doivent manger dans la cuisine hors de portée des potentiels postillons du reste de la famille pendant le réveillon. Les vioques, avec eux, il faut toujours prendre des pincettes. Pas des pincettes d’épilation, non, surtout pas ! Des pincettes de la taille de pinces spaghetti, plutôt », recommande un éminent gérontologue.

 

Crédit-photo : pxhere, cc0.

 

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