Politique

Couacs du 14 juillet : plus de couleur bleu et motos en panne, le manque de moyens alloués aux armées s’est fait ressentir lors du défilé 2018.

Malgré la rigueur, le perfectionnisme, la discipline et le sérieux légendaires des armées, deux incidents techniques, jugés « minimes » par le ministère du Budget, ont eu lieu lors du défilé du 14 juillet, commémorant les têtes coupées de nobles par les révolutionnaires du tiers-état, en 1789. Des têtes de révolutionnaires ont été également coupées par les montagnards, dont faisait partie Robespierre, mais c’est un autre sujet.

Mis à jour.

Le défilé du 14 juillet est une tradition quasi-institutionnelle et une attraction pour des millions de civils qui ne connaîtront jamais, fort heureusement, les affres de la révolution, ni de la guerre. Ils ne sauront jamais, au grand damne de certains hauts gradés, ce qu’endurent les vaillants et courageux soldats, positionnés dans les zones de guerre. Les militaires français se battent actuellement dans plusieurs fronts, pour enrayer la folie et la cruauté humaine. Tous les citoyens français attendent, depuis le 15 juillet de tous les ans, ce grand rendez-vous, commémorant la prise de la Bastille, avec joie et impatience.

« Ici c’est Paris »


« Le 14 juillet, c’est l’anniversaire de Pépé Fernand et chaque année on rate la fête à Pépé, comme il le dit avec tendresse. On préfère venir à la capitale. Ça nous donne l’occasion de voir la grande ville, les boutiques chics et les grands boulevards, larges comme des champs de maïs. On n’en a pas, nous, des comme ça. C’est dommage. De toute façon, pépé ne nous en veut jamais longtemps. Une journée, grand maximum. Il a Alzheimer, le pauvre. Il oublie vite. Il arrive tout juste à se souvenir de son nom. Dans un sens, ça nous arrange, car on va hériter de lui, le plus tard possible, mais on va hériter quand même. Bref, on aime venir à Paris. Ça nous change de chez nous. Il n’y a pas de grandes avenues comme dans la ville. Les gens l’oublient, mais ici c’est Paris, avec ses immeubles hauts comme des chênes et les gens qui marchent vite, comme chez nous, quand on transporte le sang du cochon que l’on vient d’égorger pour éviter qu’il ne coagule. Paris est une très belle ville et grande surtout », précise un habitant du centre-ville de Lyon.

« Ce pognon de dingue »

Alors que tous les hommages, les marches militaires et les célébrations se sont déroulés sans accrocs, sous les regards annuellement ébahis des spectateurs et des téléspectateurs, deux petits incidents techniques inquiètent les plus hautes sphères du pouvoir. « Les généraux nous avaient dits que le budget de l’armée n’était pas assez élevé, mais on ne pensait pas que c’était jusqu’à ce point. Il y a urgence au vu des événements qui se sont produits aujourd’hui. On n’aurait pas dû mettre ce pognon de dingue dans les start-ups innovantes disruptives à fort business unit. J’ai de la peine pour la formidable patrouille de France », confie Arthur, Chief Financial Officer au ministère du Budget.

« Pas un seul couac depuis 1790 »

Il y a, tout d’abord, eu l’erreur au sujet des couleurs du drapeau français. L’un des 9 Alpha Jet, datant de 1965, a largué des fumigènes de couleur rouge, au lieu du bleu normalement prévu. Les généraux ont préféré rejoindre les troupes au Mali, en Afghanistan et ailleurs, que d’endurer « la gêne et même la honte provoquées par ces couacs », selon un général. En embarquant dans l’avion-cargo militaire, il nous a expliqué les raisons de son départ pour les lointaines et exotiques zones de guerre. « Cela fait 70 ans que je fais partie de l’équipe d’organisation et il n’y a jamais eu un seul problème. Tout fonctionnait au millimètre près chaque année de chaque décennie durent lesquelles j’ai eu l’honneur de participer à la tenue de cet événement républicain. En fait, il y a eu un problème, une seule fois, en 1964. Lorsque l’un de nos véhicules avait dévié d’un angle de 2° de sa trajectoire initiale. En dehors de ça, rien, pas un seul couac en 70 ans de carrière. Pas un seul couac depuis 1790, date du premier défilé célébrant la fin des privilèges. C’est normal, ce qui est arrivé aujourd’hui. On nous rabote les budgets et voilà où ça mène. Un drapeau de je ne sais quel pays dans les airs et un accident, façon Velib’, sur terre. Pour la première fois de ma vie, j’ai honte, car on ne mérite pas ça, nous les militaires. Repos, vous pouvez disposer. Moi, je monte dans mon avion », précise le général de 95 ans.

« On a utilisé du paprika »

Interrogé, un autre militaire a bien voulu nous en dire davantage, malgré la lourde et impitoyable épée de Damoclès qui vole constamment au dessus de son habit militaire, l’énigmatique et redouté secret défense. « C’était soit acheter de l’essence pour que nos véhicules roulent, soit se fournir en fumigènes originaux pour colorier dans le ciel parisien. Vous auriez fait quoi à notre place ?. Pour la couleur rouge, on a utilisé du paprika. Depuis qu’on bouffe uniquement que des pâtes à la margarine, dans nos cantines militaires, on a des stocks d’épices inutilisés, que l’on ne peut même pas rendre au fournisseur. Avant, on mangeait des légumes et de la viande, instaurés dans les menus par le nutritionniste. Mais avec les coupes budgétaires, fini les légumes, fini les viandes et donc fini aussi les épices. Fini aussi le nutritionniste. Il est parti de lui-même. De toute façon, l’armée ne pouvait plus le payer. Quand les caisses étaient vides pour de bon, l’armée le payait en armes, grenades et même en vieux véhicules. Ceux qui ne nous servaient à rien, comme des hélicoptères, par exemple. Nous en avons plein en stock. Il y a des  Caracal, Tigre, Cougar, Milf, Caïman, Puma, Le Coq sportif et Paquin. Il n’y en a qu’un sur trois qui peut voler. En rafistolant les hélicos en panne, ils pourront réaliser des prouesses. Donc, pour en revenir aux menus, le nutritionniste des armées en a eu marre. Il ne savait plus où stocker tout ce qu’il avait gagné comme matériel, grâce à son travail. Donc, pour la couleur rouge, on a utilisé du paprika. Pour la couleur blanche du drapeau, on a mis de la farine. On fabrique notre propre pain dans l’armée. Rigueur oblige. Pour le bleu, on avait récolté des guèdes. Ce sont des fleurs qui donnent un colorant bleu. Pour la confusion, ils ont sûrement interchangés les contenants. On n’a plus les moyens d’en racheter des neufs. On utilise les anciens pour les accrocher au cul de chaque avion d’élite », précise un adjudant-chef, muté au service des approvisionnements.

« Ils roulaient à moins de 80 km/h »

Il y a également eu l’accrochage entre deux motos de la Gendarmerie nationale, dû à une panne. « Ce n’est pas la faute de nos motards. Ils sont expérimentés. Ils roulaient à moins de 80 km/h. De plus, ils ne roulaient pas bourrés. Nos motos sont de nouveaux modèles. Ils fonctionnent très bien, sauf quand il y a une panne qui nécessite de changer une pièce mécanique. On n’a plus les moyens d’acheter des pièces détachées neuves, ni d’occasion, soit dit en passant. Nos mécaniciens ont eu pour ordre de récupérer les pièces sur de vieux véhicules de la seconde guerre mondiale ou de l’Indochine, qu’il y a dans les hangars de l’armée, dont nous dépendons. C’est à cause de ça que les motos sont tombées en panne. C’est normal, quand tu changes le carburateur d’une moto récente de 1980, par celui d’une bécane de 1931, ça arrive qu’il y ait un petit incident comme celui de ce matin, sur la Place de la Concorde. Je leur avais dit aux collègues militaires en plus. Ils auraient dû remplacer la pièce défectueuse par une pièce de notre moto de 1957, mais ils ne m’ont pas écouté. C’est têtu un militaire, ce n’est pas un cliché », confie un mécanicien de la Gendarmerie nationale, tout en détachant des pièces mécaniques d’une Simca.

Le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé une hausse des crédits de la défense, dans le cadre de la Loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025. Les montants alloués devraient atteindre, d’ici 7 ans, 2% du Produit intérieur brut (PIB).

 

Accrochage de motards de la Gendarmerie nationale – 14 juillet – Place de la Concorde.

 

Drapeau Rouge-Bleu-Blanc-Rouge – 14 juillet 2018.


 

 

Crédit-photo : Airwolfhound, Flickr, cc by-sa 2.0.

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