Cité du vin – 80 km/h : les radars bordelais ont flashé 100 fois plus qu’il y a un an.
De la taille de deux arrondissements parisiens, la Cité du vin, grand quartier au nord de Bordeaux, est un lieu à part. Toute l’économie et la vie sociale sont dépendantes des sublimes millésimes bordelais.
Bordeaux est connue pour sa splendide architecture, pour sa population bourgeoise et introvertie. La ville des snobs, comme l’appelle, avec affection les habitants des autres régions de France, est également appréciée pour ses vins de très grande qualité. Mais, depuis le 1er juillet dernier, les radars de la célèbre Cité du vin, le nouveau grand quartier de Bordeaux, créé en 2016, n’ont pas arrêté de flasher les automobilistes imprudents et pressés. Le nombre de PV a été multiplié par 100, du fait des 80 km/h, selon le très remonté ministère français de la Viticulture.
« Notre OM à nous, c’est le vin »
Avec les 80 km/h au lieu des 90 habituels, les automobilistes de la Cité du vin, à Bordeaux, font face à un obstacle de taille dans leurs déplacements alcoolisés. « Tu ne peux pas résider dans la Cité du vin et ne pas picoler. C’est inconcevable. C’est comme si tu habites à Marseille et que tu n’aimes pas l’Olympique de Marseille. C’est pas possible. Notre OM à nous, c’est le vin », précise un fan du club de football des Girondins de Bordeaux. Ainsi, les conducteurs de l’emblématique Cité du vin, de la taille d’un arrondissement parisien, doivent limiter leur vitesse à 80 km/h, au lieu des 90.
« Les radars, c’est des encul** »
« Qui dit Cité du vin, dit pinard. Et qui dit pinard, dit cuite. L’ivresse est une tradition dans notre belle Cité du vin. Tout le monde le sait et tout le monde base sa vie sur le vin, ses effets et surtout ses conséquences. Même les policiers comprennent et tolèrent notre alcoolémie. Ils sont très sympathiques et serviables. Ils nous raccompagnent même chez nous, quand nous sommes bourrés. Par contre, les autres, ils sont pas sympas. Quand je dis les autres, je parle de ces saloperies de radars. Ils ne tolèrent rien, eux. Ils ne laissent rien passer, aucune compréhension, ni pitié, ni compassion. Les radars, c’est des encul** ! », remarque un habitant de la Cité du vin, visiblement en état d’ébriété avancées.
Alors que toute la vie de la Cité du vin est bâtie sur l’alcoolémie, normalement excessive, de ses habitants, les nouveaux venus ne sont pas aussi indulgents. Ainsi, les radars, tant haïs par tous les automobilistes de France, hormis les conducteurs masochistes, ont flashé 100 fois plus que l’an dernier.
« On dégustait les nouveaux crus pendant nos procès »
Avant, quand c’était les juges qui fixaient les amendes, ça allait. Les juges étaient tous amateurs des bons vins bordelais. Ils étaient presque tous dans l’une des confréries de beuverie, euh, je voulais dire dans l’une des confréries de vin. Ils avaient de l’empathie et de la clémence pour les conducteurs bourrés flashés. Dans un sens, c’est normal. Quelquefois, on dégustait les nouveaux crus pendant nos procès. Le vin n’est pas simplement un produit du terroir, c’est un élément socialement vital pour tout bordelais qui se respecte. Mais depuis que les radars fixent et envoient les amendes automatiquement, on est vraiment dans la mouise. Même les agents qui contrôlent sur leurs écrans ne sont pas bordelais. Ça ne nous arrange pas, nous, les habitants de la Cité du vin », remarque un habitant, une contravention dans une main et un verre de vin dans l’autre.
« Ils sont imbuvables »
Alors que le secrétariat en charge de la lutte contre la conduite en état d’ivresse avait conseillé aux conducteurs de la Cité du vin de faire leurs trajets à pied ou à vélo, il a dû rebrousser chemin. « Il y a davantage de victimes quand les citoyens de la Cité du vin vont à vélo ou à pied. En raison de l’énergie décuplée sous l’effet de l’alcool, les cyclistes roulent à une vitesse trop élevée. On dirait des cyclistes du Tour de France dopés à l’EPO. Tous les soirs, vous verrez des vélos filer à 100 ou 150 km/h. C’est un peu dangereux quand même. Pour les piétons, c’est autre chose. Dès qu’ils passent devant un bar, ils s’assoient et attendent que le débit de boisson. En pleine nuit, c’est incroyable le nombre de personnes qui patientent. Cette attente les dégrise, c’est bien, mais non, ils feraient mieux de rentrer dormir paisiblement chez eux. Non, cette fâcheuse situation ne peut plus continuer. Nous avons demandé à ce que la vitesse soit relevée à 90 km/h. Pour le bien des 90.000 citoyens de la Cité du vin. Ces radars nous nuisent, ils sont imbuvables », préconise un haut fonctionnaire du Secrétariat en charge de la lutte contre la conduite en état d’ivresse.
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